Les impacts psychologiques
le deuil du membre
Pour vous
D’après le mémoire d’Anne Curell, Psychologue en Avignon.
Toute personne amputée se trouve confrontée à l’immense difficulté de faire face au choc psychologique de l’amputation, laquelle entraîne une incapacité qui n’est plus récupérable, mais seulement compensable. Cette situation n’est souvent pas comprise immédiatement. Les personnes amputées sont dans un premier temps incapables d’accepter la réalité de la perte. Un travail de deuil est indispensable pour construire une nouvelle identité, une nouvelle image corporelle, une nouvelle vie.
Remarque importante : les tempéraments et les histoires de chaque patient, chaque amputé, sont singuliers.
Que ce soit à travers le choc physique et l’épreuve psychologique et relationnelle, puis pour les traitements,
l’appareillage et la réadaptation sociale, les durées, procédures et étapes indiquées sont variables d’une personne à l’autre.
La perte d’un membre s’apparente à celle née de la mort d’un proche, ou à sa propre mort, c’est pourquoi on parle de processus de deuil.
Le travail de deuil est long et coûteux psychiquement. Vous allez peut-être éprouver toutes sortes d’émotions. Mais sachez qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réaction. Chaque personne est particulière et réagit de façon singulière. Ce que vous allez ressentir, exprimer, vous permettra peu à peu de renoncer à ce que vous étiez « avant » pour envisager qui vous souhaitez être « maintenant ».
D’abord le déni, le choc
Vous minimisez ou ignorez cette réalité trop douloureuse et génératrice d’une profonde angoisse. Vous vous dites: « Non, ce n’est pas possible. »
Le temps de la colère, de la révolte
La protestation, voire la rage, fait suite au déni. Vous exprimez votre souffrance par de l’irritabilité, de l’intolérance et de l’agressivité envers vos proches, les soignants.
Cette émotion correspond à la tentative de faire revenir la situation corporelle antérieure. Elle est d’autant plus vive que l’appareillage, souvent difficile en raison d’un moignon fragile, ne fait que vous confronter à la douloureuse réalité du manque.
La dépression
La dépression succède souvent à l’irritation. Elle vient comme une réparation. C’est une prise de conscience du caractère irréversible de l’amputation. Elle vous permet de vous abandonner à la tristesse, de pleurer ce que vous avez perdu.
Le marchandage ou la négociation
C’est une tentative d’échapper à la situation ou de retarder le déroulement des événements qui vous paraissent insurmontables. Vous établissez une distance entre vous et le vécu du handicap au quotidien. Ce sont des tractations internes en vue de changer le cours de la réalité. Elles correspondent à la reprise de l’espoir.
Enfin, l’acceptation
C’est le début de la construction: vous réalisez l’importance que prendra la prothèse dans votre vie. Le renoncement progressif face à l’image du corps et à la vie précédente vous permet d’envisager un nouveau rapport aux choses, aux êtres, d’investir dans l’avenir. L’amputation d’un membre va entraîner des modifications qu’il faut accepter dans de nombreux domaines de la vie quotidienne : travail, sport, loisirs, vie affective et sociale. Il s’agit de repenser votre relation avec votre nouvelle image corporelle, vos nouvelles aptitudes et inaptitudes, votre statut nouveau de « personne handicapée ».
Il s’agit de « vivre avec ».
Toutes ces étapes sont normales.
Vous êtes entouré de votre famille, de soignants. Il ne faut pas hésiter à leur parler de ce que vous ressentez.
Si ce changement est trop difficile à accepter, n’hésitez pas à voir un spécialiste (psychologue, psychiatre…).
La dimension psychologique englobe aussi le regard des autres : pas seulement celui des proches, mais celui de ceux que l’on peut croiser tous les jours, dans la rue, au travail, dans les commerces ou notre ancienne vie collective. Et ceci dans les deux sens : celui que les autres posent sur l’amputé et le handicap en général ; celui que l’amputé reçoit en retour des autres, et qu’il accepte plus ou moins. Ce n’est pas simple, surtout dans une culture du paraître. De même que l’amputé doit traverser les étapes indiquées ci-dessus, l’entourage, même le plus éloigné, doit traverser aussi des étapes d’acceptation. Il peut également s’en détourner . Un regard peut aider, mais aussi tuer symboliquement. Un amputé n’est pas seulement un individu, il est une question pour tout son environnement, voire pour toute la société.
L’association ADEPA, entre autres, offre des occasions pour aborder ces questions, en raison de l’expérience commune que les adhérents peuvent partager entre eux. Les pages qui suivent traitent également ces questions au niveau des proches.
Pour vos proches
D’après la thèse du Dr France de Courrèges.
La famille et les proches sont aussi bouleversés par votre amputation : le processus de deuil est aussi valable pour votre entourage.
Pendant le temps de l’hospitalisation et de la rééducation, vous n’êtes plus concerné par les préoccupations quotidiennes de votre famille.
Vos proches pourront avoir tendance à vous protéger, à vous infantiliser ou à vous éviter, voire à créer une rupture. Ils ont aussi ce chemin d’acceptation à parcourir.
Pourtant, ils peuvent vous aider à vous projeter en dehors du milieu hospitalier, et vous pouvez aussi les aider. Les tracasseries quotidiennes que vous relatent vos proches, les réflexions pour trouver ensemble des solutions d’adaptation pour le retour à la maison vont permettre à tous d’envisager comment « vivre avec » ce nouveau corps.